Les données constituent une vraie mine d’or pour les communicateurs et commerçants. Études de marché, statistiques des ventes, tendances provenant des programmes de fidélité, sondages, etc. ont toujours été au cœur des stratégies d’entreprise. Autrefois, l’obtention de données était ardue et coûteuse, or, avec l’avènement d’Internet cette information est devenue de plus en plus abondante et accessible. Cette accessibilité à l’information présente des opportunités inégalées dans le domaine commercial et donc dans le domaine de la vente et du marketing. On cherche depuis longtemps à s’éloigner des communications de masse, stratégie ayant démontré un retour sur investissement normalement plus faible. Ipso facto, les entreprises déploient des stratégies de plus en plus basées sur les particularités des consommateurs, rendant possibles une hyper personnalisation et un ciblage très précis des offres. Ainsi, les entreprises procèdent au forage et à l’exploitation de données sur les publics ou consommateurs afin de mieux cibler les messages publicitaires et le contenu médiatique, pour ainsi avoir une portée plus efficace. Les données récoltées par les entreprises peuvent par la suite être utilisées pour identifier de nouvelles opportunités ainsi que pour déceler les changements dans le processus décisionnel (processus d’achat par lequel passe le consommateur), qui s’est vu largement modifié avec les développements technologiques du 2.0. Cette évolution est importante puisqu’on estime que la personnalisation peut générer un retour sur l’investissement en marketing beaucoup plus élevé qu’auparavant, conséquemment une augmentation des ventes (McKinsey & Company, 2013). Les nouvelles technologies et les informations qu’elles produisent permettent de générer un éventail d’indicateurs hautement recherchés décrivant le comportement et les besoins du consommateur (McKinsey & Company, 2013).
Analysons donc la situation actuelle du point de vue entreprise, du point de vue consommateur puis finalement en faisant des prévisions pour les années à venir.
L’utilisation des données volumineuses (Big Data) en entreprise
Les données volumineuses, mieux connues sous le nom de Big Data, « s’intéressent à des données qui concernent le comportement des consommateurs. Les organisations collectent de telles données pour, par exemple, leur proposer un produit ou leur envoyer un message. L’objet, encore et toujours, est d’aider les organisations à en faire plus, de manière plus efficace. » (Kaplan, 2012). Ces données sont caractérisées par leur volume, leur vitesse et leur variété. Tout d’abord, « le volume décrit la quantité de données générées par des entreprises ou des personnes […] tous secteurs d’activité confondus, devront trouver des moyens pour gérer le volume de données en constante augmentation qui est créé quotidiennement. » (Schmidt, 2012). Ensuite, la vitesse « décrit la fréquence à laquelle les données sont générées, capturées et partagées. [L]es entreprises ne peuvent capitaliser sur ces données que si elles sont collectées et partagées en temps réel. » (Schmidt, 2012). Puis enfin la variété de ses données est engendrée par la provenance de sources variées comme les médias sociaux, les interactions en ligne, l’utilisation de terminaux mobiles, etc. ce qui crée une très grande diversité de l’information. Puisque toutes les données ne sont pas identiques, les spécialistes devront faire la distinction entre les données utiles et celles qui sont superflues.
McKinsey & Company (2013) stipulent que ces données représentent l’opportunité la plus révolutionnaire dans le domaine des affaires et du marketing depuis l’accès populaire à Internet, il y a de cela environ 20 ans. L’obtention de ces données est hautement estimée puisqu’elle facilite la prise de décision, l’organisation et la mise en œuvre de stratégies efficaces sans avoir à déployer de longues et onéreuses études de marché. Des analyses ont d’ailleurs démontré que les entreprises qui basaient leurs décisions marketing sur les données enregistraient un meilleur rendement que les autres. Il va sans dire que la majorité souhaite suivre l’exemple de ceux qui réussissent le mieux, afin d’eux aussi avoir leur part du gâteau. C’est ainsi que l’information relative au consommateur prend toute sa valeur.
La révolution du Big Data fait en sorte que les organisations font face à un nombre faramineux de données tout aussi complexes que le comportement du consommateur lui-même. Dans un environnement compétitif où la pression est largement ressentie, les spécialistes du marketing tentent d’optimiser leurs efforts en tirant profit des mines d’or d’informations à leur disposition (McKinsey & Company, 2013). Or, les données en elles seules sont peu significatives. Elles s’apparentent au pétrole, qu’il faut raffiner pour pouvoir obtenir la valeur et l’utiliser, les données elles, doivent être interprétées pour générer du sens. Conséquemment,
Seule l’agrégation des données brutes permet de disposer d’une information marketing exploitable. L’enjeu est de disposer d’outils assez puissants pour recueillir et transformer ce flux massif de données en indicateurs marketing, en scores, en agrégats, en KPI qui vont renseigner et qualifier les attentes individuelles de chaque prospect. » (Leduc, 2013).
Cela dit, l’exploitation des données pour personnaliser l’offre pour chaque client potentiel oblige les gestionnaires à repenser leurs méthodes de travail et leurs stratégies pour passer d’un modèle ou les campagnes de marketing sont planifiées et générales à un modèle où des initiatives se font sur mesure et se déclenchent à partir de l’interprétation des données.
L’évolution du comportement du consommateur
Le Web 2.0 constitue une foisonnante source d’information sur les tendances du marché. Cette banque de données augmente constamment de façon exponentielle, car par exemple, chaque fois que de nouveaux adeptes joignent les médias sociaux ou que ces derniers mettent à jour leurs informations, le volume de données augmente. Ainsi, le consommateur lui-même fournit aux entreprises les informations qui leur permettront par la suite de capter son attention dans le but d’améliorer le taux de conversion et donc la performance des stratégies publicitaires (Leduc, 2013). Le comportement des consommateurs évolue rapidement vers un modèle plus transparent et ouvert où les individus sont plus enclins à partager leur quotidien en ligne, mais aussi leur vie privée et leurs informations personnelles à un auditoire très vaste. Les internautes souhaitent interagir avec les entreprises et participent volontiers à la discussion avec les différentes marques via les outils du Web social (Dachis, 2012). D’un point de vue consommateur, il est toujours plus intéressant de recevoir une offre sur mesure, correspondant à nos goûts et besoins que de recevoir une communication de masse qui ne représente en réalité que du «bruit» entraînant un désagrément et non pas une intention d’achat. Bien que les technologies aient fait évoluer le processus décisionnel, il en reste qu’au tout début du cycle d’achat, le client est en recherche d’informations. Normalement, la consultation du site Web d’une entreprise marque le début du processus. Lorsque la décision du futur client n’est pas encore prise, il est encore temps pour l’entreprise de l’influencer et de le convaincre. À cette étape, la collecte et l’utilisation de données massives s’avèrent fort utiles pour poursuivre la conversation entre le client potentiel et la marque. À titre d’exemple, un consommateur qui effectuera des recherches en ligne pour trouver des billets d’avion vers une destination soleil risque de voir par la suite de nombreuses publicités, notamment sur ces plateformes des réseaux sociaux, de la part de voyagistes et compagnies aériennes. Simple hasard ? Certainement pas. Il s’agit plutôt d’une utilisation judicieuse des données générées par l’utilisateur.
Cet exemple démontre qu’avec la présence de telles données, on passe du marketing transactionnel, c’est-à-dire axé sur le produit, vers le marketing relationnel, basé sur le client. Nous pouvons donc dire que les marques ne font plus que communiquer l’information au public par le biais des médias de masse, mais plutôt que les offres sont crées, construites et développées à travers les communications entre la marque et sa clientèle (Dachis, 2012). Si analysées judicieusement, ces informations permettent aux communicateurs et spécialistes du marketing une compréhension profonde et inégalée de leur clientèle et du consommateur de façon plus générale.
Implications futures pour les entreprises
Un tel développement entraîne nécessairement des grands défis technologiques et organisationnels. Les données sont volumineuses et abondantes et doivent être stockées, raffinées et sauvegardées dans des endroits appropriés qui diffèrent des bases de données et des systèmes de gestion des relations clients (CRM) présentement utilisés. Les entreprises doivent donc s’adapter afin de gérer le flux d’information et d’en assurer le traitement adéquat tout en ayant une architecture de stockage adaptée requise pour entreposer efficacement celles-ci. Le traitement des données s’avère également très complexe, « il faut des moyens sans cesse plus importants pour parvenir à des inférences un peu plus fines, avec des rendements de plus en plus décroissants. Et sans espoir de […] se connecter vraiment à l’unité, la subjectivité, la complexité des êtres humains et de leurs pratiques sociales. Pourquoi ? Parce que les objets du calcul, en l’occurrence les humains, n’y sont pas conviés» (Kaplan, 2012). Cela dit, comme toujours lorsqu’on étudie l’espèce humaine, la science exacte et la prévision peut s’avérer un exercice ardu; après tout l’être humain ne peut être si facilement transformé en données et valeurs clairement définies. Les Big Data pourront assurément guider les efforts des marchands, mais seront-elles aussi précises qu’on le laisse entendre?
Par ailleurs, les départements d’informatique et de marketing devront œuvrer davantage de concert pour pouvoir tirer profit de l’information recueillie, car l’un connaît les détails et procédures techniques et l’autre connaît les besoins et la relation client. Les équipes devront être plus flexibles pour travailler avec des cycles plus courts et plus orientés, puisque les campagnes ne pourront plus être bâties longtemps d’avance selon un cadre préétabli. Elles devront alors élaborer quelques scénarios et les adapter à chaque cas lorsque l’information entre, ce qui demandera un changement de culture organisationnelle plutôt important. Tout ce remaniement des structures existantes demandera des investissements considérables de la part des entreprises et certes, elles n’auront pas toutes les moyens de le faire aussi rapidement et aussi efficacement les unes que les autres. De surcroît, les équipes devront apprendre à s’approprier les nouveaux outils et systèmes mis à leur disposition ce qui nécessitera sans contredit une période de formation, d’essai et d’ajustement. Par ailleurs, l’utilisation de données aussi puissantes pourrait mener à certaines inquiétudes, car le temps encouru pour obtenir et interpréter les données servant à guider les actions de la marque, créé des retards dans l’exécution; mais avant que cette information existe, il n’est pas possible pour la marque de savoir si les circonstances sont favorables pour une action. Un dilemme qui pourrait s’avérer difficile à surpasser pour certains.
Quels seront les impacts du Big Data en 2020 ? Anderson & Rainie (2012) dans leur recherche menée avec le Pew Internet & American Life Project proposent deux scénarios possibles. Dans le premier scénario, on suggère que la collaboration entre l’humain et la machine dans l’interprétation et l’utilisation de données massives contribuera largement à l’intelligence sociale, politique et économique. Ainsi, la création d’algorithmes permettant d’effectuer des corrélations avancées nous aidera à mieux comprendre l’humain et le monde en général. À l’autre bout du spectre, on retrouve un scénario beaucoup plus pessimiste, qui stipule que la surabondance de données et d’analyses engendrera une confiance erronée face aux prédictions et prévisions qui en découlent, nous menant vers de graves erreurs de jugement. De plus, ce scénario soulève la possibilité que des gens et institutions mal intentionnées manipuleront ces données pour en arriver à leurs propres fins. Évidemment, ces deux scénarios diamétralement opposés présentent des cas extrêmes. Une analyse plus nuancée nous porterait donc à croire que le Big Data contribuera au développement de nouvelles capacités de cueillette, de compréhension et de manipulation d’informations concernant le monde et la nature humaine à condition évidemment que l’humain intervienne dans le processus algorithmique afin de tirer ses propres conclusions en s’appuyant sur une vision plus globale de la réalité.
Conclusion
À la lumière de ces informations, il nous est difficile de croire que le marché reculera devant les opportunités inégalées que présente le Big Data. Plusieurs organisations ont d’ailleurs déjà commencé à développer des structures et des compétences qui leur permettront de gérer et d’utiliser cette mine d’or. La situation soulève toutefois beaucoup de questions; est-ce que certaines organisations y laisseront leur peau ? Est-ce que les structures qu’elles auront mises en place tiendront le coup ? Seront-elles l’objet d’une autre révolution quelque temps après la mise en place de ces nouveaux systèmes ultra-performants ? Quels seront les impacts de ces développements sur le marché ? Quelle valeur sera créée pour les consommateurs ? Enfin, il ne reste plus qu’à attendre le moment venu pour connaître les impacts réels des données massives !
RÉFÉRENCES
Anderson, J. & Rainie, L. (2012) . The future of Big Data. Pew Internet & American Life Project. En ligne http://pewinternet.org/Reports/2012/Future-of-Big-Data/Overview.aspx
Dachis, J. (2012). Big Data Is The Future of Marketing. Business Insider. En ligne
http://www.businessinsider.com/big-data-is-the-future-of-marketing-2012-7
Kaplan, D. (2012) Big Data, grande illusion? Internet Actu.net. En ligne
http://www.internetactu.net/2012/04/11/big-data-grande-illusion/
Leduc, C. (2013). Big Data ou l’innovation au service du marketing digital. Le journal du net. En ligne
http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/54203/big-data-ou-l-innovation-au-service-du-marketing-digital.shtml
McKinsey & Company. (2013). Big Data, Analytics And The Future of Marketing And Sales. Forbes. En ligne
http://www.forbes.com/sites/mckinsey/2013/07/22/big-data-analytics-and-the-future-of-marketing-sales/
Mustacchio, T. (2013). Unlocking New Insights and Opportunities with Big Data. IBM Big Forum. En ligne http://www-03.ibm.com/systems/fr/resources/Cas_d_usage_Big_Data.pdf
Schmidt, S. (2012). Les 3 V du big data : volume, vitesse et variété. Le journal du net. En ligne http://www.journaldunet.com/solutions/expert/51696/les-3-v-du-big-data—volume–vitesse-et-variete.shtml
Shoppertrack (2012). Conserver des données massives : Passé, présent et futur. Livre blanc en ligne http://www.shoppertrak.com/fr-fr/news-resources/white-papers/2013-08/retail-big-data-past-present-future
Verdier, H. (2012). Peut-on être contre les big data? Henri Verdier le blogue. En ligne
http://www.henriverdier.com/2012/04/peut-on-etre-contre-les-big-data.html
Verdino, G. (2013). 5 Ways Big Data Makes Us Smarter Marketers. Spinnakr blog. En ligne http://spinnakr.com/blog/data-2/2013/07/5-ways-big-data-makes-us-smarter-marketers/